Le concept de mythe familial est un élément central de la psychogénéalogie, une approche thérapeutique qui explore l’influence des héritages familiaux et des transmissions transgénérationnelles. En psychogénéalogie, ce terme fait référence aux histoires, croyances et narratives partagées au sein d’une famille, souvent de manière inconsciente, et qui influencent profondément les comportements, les valeurs et les choix des membres. Ces mythes jouent un rôle clé dans la manière dont les individus construisent leur identité, en lien avec des événements marquants, des secrets, des non-dits ou des traumatismes transmis à travers les générations.

Origine du mythe familial


Le concept de mythe familial a été élaboré par le thérapeute américain Antonio Ferreira dans le cadre de l’école de l’école de Palo Alto. En France, l’une des figures majeures de son développement est Robert Neuburger, psychiatre et thérapeute familial. Neuburger définit le mythe familial comme étant :

« Une représentation partagée par les membres du groupe, du groupe lui-même comme ensemble et de ses relations au monde »

Il constitue une sorte de lien structurant qui définit les comportements acceptables, les rôles attribués à chacun, ainsi que les croyances et valeurs fondatrices.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le mythe familial ne se résume pas à un simple récit raconté lors des réunions familiales. Il s’agit plutôt d’un ensemble de croyances, de valeurs et de récits, tacites ou explicites, qui définissent la place de chaque membre dans la famille et dans la société, influençant profondément la perception que le groupe a de lui-même et du monde extérieur.


Les Composants du Mythe Familial


Le mythe familial est souvent constitué de plusieurs éléments qui forment un ensemble cohérent. Voici quelques aspects essentiels :

Les Valeurs Familiales

Chaque famille porte des valeurs, explicites ou implicites. Ces valeurs influencent les comportements, les attentes et les relations internes.

Par exemple :

  • Une famille peut valoriser le travail et la réussite professionnelle, ce qui se traduit par une attention particulière à la scolarité.
  • D’autres privilégient la solidarité, ce qui favorise l’entraide mais peut aussi engendrer des obligations implicites pesantes.

Les Croyances Familiales

Les croyances se forment au fil du temps et se transmettent de génération en génération. Elles concernent souvent :

  • la réussite, l’argent, le bonheur, le rôle de chacun.

Elles peuvent être structurantes ou limitantes. Par exemple, croire qu’un membre est « destiné à échouer » peut inconsciemment l’amener à saboter ses chances de réussite.

Les Comportements Autorisés et Non Autorisés

Chaque famille possède son propre code comportemental, parfois très rigide.

Exemples :

  • « Un garçon ne pleure pas » dans les familles valorisant la force émotionnelle.
  • À l’inverse, certaines familles encouragent l’expression émotionnelle libre.

Ces normes dictent les attitudes acceptées, influençant la construction de l’identité individuelle.

Les Rôles Attribués à Chaque Individu

Dans beaucoup de familles, des rôles implicites sont assignés dès l’enfance : le sauveur, le rebelle, le bouc émissaire, le médiateur…

Exemples :

  • Dans une famille patriarcale, l’homme est le pourvoyeur.
  • Dans une famille où l’entraide est primordiale, les enfants peuvent être chargés de veiller sur les parents, quel que soit leur propre parcours.

Ces rôles influencent profondément les choix de vie, les dynamiques relationnelles et les trajectoires personnelles.


Intérêts et transmission du Mythe Familial

À quoi sert le mythe familial ?


Le mythe familial, en psychogénéalogie, joue plusieurs rôles fondamentaux. Il agit comme un liant symbolique, créant un sentiment d’appartenance, de cohésion et une identité collective propre à chaque famille. Ce récit partagé distingue la famille des autres groupes sociaux et permet de donner du sens aux expériences communes.

Cependant, lorsqu’il se fragilise, se rigidifie ou s’effondre, le mythe familial peut devenir source de souffrance psychique. Dans Les familles qui ont la tête à l’envers, le psychiatre Robert Neuburger montre que l’altération ou la disparition du mythe familial peut entraîner des troubles transgénérationnels : sentiment de vide, culpabilité, répétition de schémas, difficultés relationnelles…

Lorsqu’un événement perturbateur (deuil, divorce, faillite…) vient rompre l’équilibre du mythe, certains descendants peuvent inconsciemment chercher à réparer le passé familial. Cela peut se traduire par une volonté de réussir là où un ancêtre a échoué, ou encore par une tendance à prendre en charge les besoins non comblés de leurs parents.

À l’inverse, certaines familles parviennent à préserver leur structure identitaire, même après des traumatismes, en réinterprétant leur récit familial de manière souple et évolutive. C’est cette capacité d’adaptation du mythe qui garantit souvent la stabilité psychique intergénérationnelle.

Comment le mythe familial se transmet-il ?

Le mythe familial n’est pas figé. Il se transforme au fil des générations, chaque nouvelle branche familiale y ajoutant sa propre lecture, tout en intégrant les récits hérités. Il devient ainsi un mélange d’héritages et de constructions identitaires.

Certains événements sont refoulés ou tus lorsqu’ils menacent l’intégrité du mythe. Par exemple, dans une famille valorisant la réussite, les échecs sont souvent occultés. Ce refoulement collectif vise à préserver l’image idéalisée de la famille et à maintenir une cohérence interne.

La transmission du mythe familial a pour fonctions de :

  • Renforcer l’unité du groupe,
  • Maintenir une continuité malgré les changements sociaux,
  • Faciliter l’intégration des normes collectives tout en conservant une singularité familiale.

Mais un excès dans un sens ou l’autre peut poser problème :

  • Si le mythe est trop rigide, la famille se referme sur elle-même et rejette les différences extérieures.
  • Si le mythe est trop conforme aux attentes sociales, il se dilue, menaçant la cohérence familiale.

Robert Neuburger souligne que ces déséquilibres peuvent générer des conflits intrafamiliaux, des symptômes psychosomatiques, ou l’émergence de secrets de famille non verbalisés qui impactent les générations futures.

Le défi thérapeutique en psychogénéalogie consiste alors à réajuster le mythe familial pour qu’il reste vivant, souple, et porteur de sens pour l’individu comme pour le collectif.



Utilisation du Mythe Familial en Psychogénéalogie

Dans son ouvrage « Aieux mes aieux », Anne Ancelin Schützenberger explique que pour comprendre un mythe familial, il est nécessaire d’en appréhender le système sous-jacent : un ensemble d’unités interconnectées et interdépendantes.

Selon Iván Boszormenyi-Nagy une autre figure importante de la thérapie familiale, le mythe familial joue un rôle structurant dans le fonctionnement des systèmes familiaux. Chaque famille constitue un système interactif dans lequel les pensées, émotions et comportements de chacun influencent ceux des autres. Cette dynamique repose sur des règles implicites, souvent inconscientes, qui gouvernent les interactions au sein du groupe.

La psychogénéalogie s’appuie sur ce concept pour aider les individus à prendre conscience des récits transmis, à les questionner, et à s’en libérer si nécessaire. Voici comment cette démarche s’articule :

Révélation des croyances cachées

L’un des premiers objectifs en psychogénéalogie consiste à mettre en lumière les mythes familiaux inconscients qui influencent la trajectoire de vie d’un individu. Cela permet d’identifier des schémas répétitifs, souvent sources de blocages ou de souffrances.

Exploration du génosociogramme

Le génosociogramme est un outil central de la psychogénéalogie. Il s’agit d’une représentation graphique de l’arbre familial enrichie de données émotionnelles, relationnelles et contextuelles. Il permet de visualiser les transmissions, de repérer les répétitions, les ruptures ou les événements « lourds » qui structurent le mythe familial.

Rupture avec le mythe

Une fois ces éléments identifiés, le travail thérapeutique vise à prendre de la distance avec les injonctions familiales limitantes. L’objectif n’est pas de renier sa famille, mais de retrouver sa liberté psychique, en se détachant des fidélités invisibles qui freinent l’épanouissement.

Création d’un nouveau récit

Enfin, la psychogénéalogie propose de réécrire un récit personnel plus aligné avec les aspirations de l’individu. Ce nouveau mythe, plus souple, intègre l’histoire familiale tout en permettant un repositionnement plus sain dans la lignée. Il favorise ainsi l’autonomie, la résilience et la transmission consciente.

L’approche thérapeutique du mythe familial en psychogénéalogie permet donc de faire évoluer les récits hérités pour qu’ils cessent d’être des freins et deviennent des ressources.

Pour conclure, le mythe familial est un levier essentiel pour comprendre les dynamiques qui traversent une lignée. Tantôt protecteur, tantôt limitant, il structure l’identité des individus et influence leurs choix, souvent à leur insu. En psychogénéalogie, son exploration permet de dévoiler ces influences cachées, d’en mesurer l’impact, et d’en faire un objet de travail thérapeutique.

En prenant conscience de ces récits familiaux, en les questionnant et en les transformant, il devient possible de se réapproprier son histoire, de retrouver un espace de liberté intérieure, et de construire un récit de vie plus authentique et apaisé. C’est dans ce cheminement que la psychogénéalogie trouve toute sa pertinence : offrir une compréhension profonde de l’héritage invisible et accompagner chacun vers une transmission plus consciente et choisie.

Et pour aller plus loin, n’hésitez pas à visionner ma vidéo dédiée au sujet : Cliquez ici

Comprendre le mythe familial pour s’en libérer


Le mythe familial est un concept fondamental en psychogénéalogie, qui permet de comprendre l’impact des héritages familiaux et des croyances transmises de génération en génération. Ce mythe peut être à la fois structurant et protecteur, mais il peut aussi devenir source de pathologie lorsque sa rigidité, sa disparition ou son effondrement perturbent le fonctionnement familial. En explorant les mythes familiaux à travers des outils comme le génosociogramme, les thérapeutes aident les individus à se libérer des schémas inconscients et à reconstruire un avenir plus équilibré et authentique.

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