Le changement est souvent au cœur des interventions thérapeutiques, notamment en thérapie cognitive et comportementale (TCC). L’un des principaux défis dans ce type de thérapie est d’amener le client à reconnaître la nécessité de changer et à engager activement ce processus. C’est là qu’intervient l’entretien motivationnel (EM), une approche centrée sur le patient qui s’avère particulièrement efficace lorsqu’elle est combinée avec le modèle des stades du changement de James O. Prochaska et Carlo DiClemente.1


L’entretien motivationnel : Un outil clé en TCC


Même si la relation thérapeutique en TCC est généralement harmonieuse, des désaccords peuvent se présenter, par exemple lorsque le praticien et le client n’ont pas la même perspective sur l’objectif du traitement ou la méthode à suivre. Dans ce scénario, un malentendu réciproque peut freiner l’avancement de la thérapie, générant des entraves. Pour faire face à ces défis, une stratégie telle que l’entretien motivationnel pourrait s’avérer bénéfique.


L’entretien motivationnel est une approche thérapeutique, développée par William R. Miller et Stephen Rollnick qui repose sur la collaboration, l’empathie et le respect de l’autonomie du patient. Il vise à renforcer la motivation du patient à changer, en particulier lorsqu’il est ambivalent à l’idée de modifier un comportement. Cette approche est particulièrement utile en TCC pour les personnes qui présentent une résistance ou qui manquent de conviction quant à leur capacité à changer.

Au cœur de l’entretien motivationnel se trouvent des principes de base :

  • L’exploration de l’ambivalence : L’entretien motivationnel permet au client d’explorer ses doutes et ses hésitations concernant le changement, tout en mettant en lumière les bénéfices du changement et les inconvénients de maintenir le comportement problématique.
  • La collaboration : L’entretien motivationnel se base sur une relation de partenariat entre le thérapeute et le client, ce qui favorise un climat de confiance et de compréhension.
  • Le soutien à l’autonomie : L’entretien motivationnel aide le client à prendre conscience de ses propres ressources et à se sentir capable de prendre des décisions concernant son changement.


Ce processus est particulièrement utile dans les premiers stades du changement, où la personne peut ne pas être totalement prête à se lancer dans l’action. L’objectif de l’entretien motivationnel est de réduire les résistances et d’augmenter la motivation à travers une écoute attentive, une reformulation des idées de la personne, et la mise en lumière des avantages d’un changement.


Les stades du changement de Prochaska et DiClemente : Un modèle dynamique du processus de changement



Après avoir exploré l’ambivalence, les entretiens peuvent être menés en s’appuyant sur les étapes du changement.

Le modèle des stades du changement, développé par Prochaska et DiClemente, décrit comment les individus passent par plusieurs étapes lorsqu’ils modifient un comportement problématique. Ce modèle, particulièrement utilisé dans la TCC, comporte cinq étapes principales :

  • La pré-contemplation : Le client ne reconnaît pas qu’il a un problème ou qu’un changement est nécessaire. Il peut être dans le déni ou simplement ne pas voir l’intérêt de changer. À ce stade, la fonction du thérapeute consiste essentiellement à délivrer des informations relatives à la minimisation des risques. Le but est de mener l’individu à réaliser les risques associés à son comportement présent, en instaurant un doute et en l’incitant à s’interroger. On fait appel à des méthodes particulières, telles que le questionnement socratique, afin de ce faire. Cette approche cherche à instiller le doute thérapeutique dans les convictions rigides et dysfonctionnelles du client.
  • La contemplation : À ce stade, la personne prend conscience de son comportement problématique, mais elle hésite à changer. Elle peut voir les avantages du changement, mais aussi ses inconvénients. Dans ce contexte, le thérapeute s’efforcera d’augmenter la motivation de l’individu en l’accompagnant dans l’évaluation des risques et des avantages de son comportement présent, tout en identifiant les ambivalences et en examinant les motifs du changement. Le but est de déchiffrer l’ambivalence et la dissonance cognitive actuelles, tout en reconnaissant aussi bien les motivations pour changer que celles pour ne pas changer.
  • La préparation (détermination): Le client commence à prendre des mesures concrètes pour changer. Il élabore un plan d’action et se prépare à modifier ses comportements.Dans ce contexte, le thérapeute va encourager la décision de changement et assister l’individu dans la recherche des bonnes approches, l’élaboration de plans, la définition d’objectifs et l’identification des ressources indispensables pour le client.
  • L’action : À ce stade, le client modifie activement ses comportements. Ce processus implique des efforts pour maintenir le changement. Le professionnel va apporter son soutien au client. Le renforcement est essentiel pour lui. Bien qu’il réussisse à effectuer un léger changement, il est essentiel de le féliciter et de l’encourager dans cette approche. L’appui de la famille et des amis est aussi d’une importance cruciale. En outre, soutenir le client dans le développement d’activités de substitution s’avère extrêmement utile, lui offrant l’opportunité de bénéficier de ces nouvelles expériences et de focaliser son attention sur les aspects constructifs de sa vie.
  • Le maintien : Le changement devient plus stable. L’individu a intégré de nouvelles habitudes et doit gérer les risques de rechute.
  • La rechute : Lorsqu’un individu retourne temporairement à son comportement ancien, il doit apprendre à faire face à cette situation et à reprendre le processus de changement.Il convient de souligner que la rechute est un élément inhérent au processus de transformation et peut constituer une occasion d’évolution pour ajuster les tactiques et persévérer dans la direction du maintien du changement. Il est essentiel de distinguer entre la chute et la rechute. Il est donc nécessaire, à ce stade, d’écouter ce que le client dit. Cela peut parfois permettre de mettre en lumière des vulnérabilités que nous n’avions pas remarquées.


Ensuite, il y a la sortie définitive qui est en réalité l’accomplissement. Bien sûr, le processus n’est pas entièrement linéaire, mais c’est à ce stade que l’individu consolide le changement.


Le modèle de Prochaska et DiClemente est adaptable et offre la possibilité de revenir sur certaines phases antérieures ou d’évoluer différemment en fonction des conditions. Il est crucial de saisir que le changement se déroule progressivement et non pas comme un événement isolé.


L’interconnexion entre l’entretien motivationnel et les stades du changement



L’entretien motivationnel et le modèle des stades du changement se complètent parfaitement dans le cadre d’une TCC. En effet, l’EM peut être utilisé pour aider le client à traverser les premiers stades du changement, notamment la pré-contemplation et la contemplation, où l’ambivalence est souvent la plus forte. Le thérapeute peut, grâce à l’entretien motivationnel, aborder les hésitations et encourager le passage à la préparation, où l’individu commence à prendre des décisions concrètes pour améliorer son comportement.

L’entretien motivationnel peut aussi jouer un rôle clé dans la maintien du changement, en renforçant les convictions du patient concernant sa capacité à changer et en l’aidant à surmonter les obstacles qui pourraient l’amener à rechuter. Le thérapeute pourra également utiliser cette approche pour renforcer la confiance du client dans sa capacité à prévenir une rechute et à maintenir les comportements positifs sur le long terme.


Exemple d’application en TCC

Prenons l’exemple d’un client souffrant d’un problème d’alcool:

  • Au début de la thérapie, il se trouve dans la phase de pré-contemplation, ne voyant pas de raison de changer ses habitudes. Grâce à l’entretien motivationnel, le thérapeute l’aide à explorer les conséquences négatives de son comportement et à évaluer les bénéfices d’un changement:
    • Je n’ai pas de problème avec l’alcool
  • Cela pourrait amener le client à passer à la phase de contemplation, où il commence à reconnaître les problèmes liés à ses habitudes et à envisager la possibilité de changer:
    • Je sais que je bois chaque jour un peu, mais je ne vais pas changer car c’est mon seul plaisir
  • Une fois cette prise de conscience faite, le thérapeute pourra l’aider à entrer dans la phase de préparation en élaborant un plan d’action pour modifier progressivement son comportement :
    • J’ai décidé de changer et de me prendre en main
  • Ensuite vient la phase d’action, le changement devient réel et on peut l’observer. La personne commence à appliquer les techniques pour changer:
    • J’ai décidé de changer, je ne bois plus que le week-end
  • Puis lorsque le client modifie son comportement, il doit parvenir à le conserver et donc résister aux rechutes. C’est l’étape de renforcement de maintien.
  • La rechute est une étape qui peut se produire à tout moment, sans nécessairement signifier une rechute totale. C’est un retour à un comportement d’un niveau antérieur, il faut aider la personne à se focaliser sur le fait que les facteurs de rechute ne sont pas internes, mais plutôt externes. Il s’agit donc de substituer « je n’y arriverai jamais » par « peut-être n’était-il pas le bon moment ». Le client en rechute retourne au niveau de la contemplation.
  • Puis vient le stade où le comportement sain devient une habitude.

L’évolution ne suit pas nécessairement un parcours linéaire : elle peut grimper, stagner, chuter, remonter, rester en stagnation, etc. Il est donc possible de revenir sur une décision, une action, un maintien, et l’issue finale est donc la conclusion.

Le Rôle de L’entretien motivationnel et des stades du changement de Prochaska et DiClemente



L’entretien motivationnel lorsque combiné avec le modèle des stades du changement de Prochaska et DiClemente, est très utile dans la TCC pour aider les clients à traverser les différentes étapes du changement et leur offrir une approche structurée et souple. Grâce à ce duo puissant, les thérapeutes peuvent guider leurs patients de manière plus efficace, tout en respectant leur autonomie et leur rythme de changement.

N’hésitez plus et retrouver votre santé mentale grâce aux TCC, si vous souhaitez en savoir plus ou commencer un travail n’hésitez pas à me contacter.

  1. Le guide de poche des TCC » Jérôme Palazzolo ↩︎

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